AGENCES IMMOBILIERES, ENTRE MUTATION ET CRISE POST-COVID
Leurs panneaux bleus fleurissent un peu partout dans le Sud Aveyron, comme dans toute la France. Un slogan très simple « cherche bien à vendre », une photo, et un contact. Ce sont les vitrines des très actifs agents commerciaux du réseau IAD, devenu le leader en France de ces agences dites « digitales » par opposition aux traditionnelles agences « vitrines ».
Et les derniers chiffres publiés en juin 2020 l’ont révélé, le réseau IAD progresse en chiffre d’affaires et en nombre de membres. Ce qui confirme que les Français sont maintenant parfaitement habitués à travailler avec ces commerciaux pour la cession de leurs biens.
L’évolution, débutée il y a plus de 10 ans, avec en 2008 la création d’IAD, s’est faite inexorable, avec une explosion du secteur digital depuis 4 à 5 ans. Car comme l’explique Romain Guidicce, le vendeur le plus dynamique du réseau IAD dans le Sud Aveyron : « 95% des transactions passent par internet. Or IAD publie sur 200 sites internet dans 65 pays ».
Un atout très fort pour booster l’activité, pour ces agences qui n’ont pas de bureaux, et reçoivent leurs clients directement sur le lieu de la vente. Ce format très « light », sans frais de structure, autorise ainsi un réseau comme IAD à exiger des honoraires plus faibles, et permet une plus grande marge de manœuvre pour la négociation.
La concurrence s’est donc intensifiée avec les acteurs traditionnels du marché, comme Century 21, Foncia, Laforêt, qui ont été contraints à également renforcer leur présence sur les réseaux internet, en parallèle de leur accueil en agences dites « vitrines ».
Jean-Pierre Ménard, actif dans l’immobilier à Millau depuis près de 40 ans, dans une agence indépendante, admet, lui aussi, prendre en compte la dimension internet, mais rappelle très simplement : « De toute façon, il faut toujours faire visiter le bien à vendre ! »
Et ce vieux briscard ne dissimule pas son irritation face à ces réseaux, qui échappent au cadre juridique traditionnel, avec l’absence de cartes professionnelles et de garantie professionnelle pour ces nouveaux commerciaux.
Mais c’est surtout le point de l’estimation qui le fait réagir : « A mes débuts, il y avait 7 agents à Millau, les estimations variaient seulement de 2 à 3%. Actuellement, les différences dans les évaluations sont très importantes. Il y a parfois 100% d’écart !»
Les tensions entre ces deux types d’agences pourraient encore s’exacerber avec la crise provoquée par le COVID. Dans un premier temps, au confinement, les transactions ont d’abord pu se poursuivre grâce à la signature électronique, puis se sont totalement interrompues de mars à mai, avec l’impossibilité de poursuivre les procédures de diagnostics énergétiques, obligatoires avant toute cession.
Le retour à la normale s’est fait progressivement, mais avec une évolution majeure consécutive au confinement : la demande se révèle très forte désormais dans le secteur des villas et communes extérieures aux villes. Ainsi sur Millau, Jean-Pierre Ménard note une désaffection forte sur les appartements sans balcons et garage.
Il s’ajoute aussi de nouvelles difficultés inhérentes au financement bancaire, avec des dossiers désormais refoulés par les banques, plus exigeantes maintenant sur les garanties et ressources, alors que précédemment, ils auraient été acceptés sans réserve.
La crise sanitaire a également eu pour conséquence une rupture de stocks chez certains fournisseurs, en Espagne ou Italie, qui ralentissent le travail de rénovation des artisans.
Une situation complexe, d’autant que dans la zone de Millau, le PLU a été resserré, et n’autorise plus de constructions sur les hauteurs. Les projets immobiliers devront maintenant d’abord passer par une phase de déconstruction avant de reconstruire, en particulier dans le centre-ville, où les mètres carrés au sol ne manquent pas mais dans des immeubles quasi-insalubres.
Les impacts de cette contraction du marché liée au COVID n’ont pas touché que les professionnels du secteur. En effet, elle affecte très directement le budget des Conseils Départementaux à travers les Droits de Mutation à Titre Onéreux, qui sont prélevés pour toute transaction immobilière.
Le Conseil Départemental de l’Aveyron n’y a pas échappé, et c’est un montant de recettes d’environ 6 millions d’euros qui a disparu du budget prévisionnel 2020, évalué initialement à 393 millions d’euros, contraignant le Président Galliard à revoir à la baisse en juillet les dépenses du Département, obérées également par le surcoût lié à la crise sanitaire.
Autant dire qu’à travers toute la France, les comptables des départements suivent avec attention ce marché particulier, et son expansion digitale.
- Texte : Odile Baudrier