MILLAU, AU CŒUR DU CENTRE DE VACCINATION
début février, un centre de vaccination pour lutter contre LA crise épidémique causée par la Covid 19, ETAIT installé dans la salle des fêtes de Millau. Médecins et infirmiers-ERES se relaient par tranches de deux heures pour assurer cette mission d’urgence. Dans un premier temps auprès des populations très âgéEs et auprès dU personnel de santé comme les kinésithérapeutes. Opérationnel depuis un mois, ce centre a trouvé son rythme de croisière. Reportage.
Les bras croisés sur le ventre, campé sur ses deux jambes à scruter la porte d’entrée, Denis n’irait pas jusqu’à dire qu’il s’ennuie mais sa mission n’est pas des plus actives. Lui l’ancien pompier Grimp est à l’accueil du centre de vaccination. Parfois une mamie cahin-caha, au bras de sa fille, un fils dévoué en soutien d’une mère, d’un père, plus souvent des couples à s’apporter soutien mutuel, et à intervalles réguliers, une mamie agrippée au bras d’un ambulancier. L’après midi s’écoule ainsi au gré des arrivées d’hommes et de femmes âgées, au pas incertain, au regard lointain, pour recevoir la seconde injection du vaccin Pfizer.
En mission, dans cette salle des fêtes réquisitionnée, Denis l’ordonnancier, mais également à gauche, installées au bar, Olga une infirmière de l’hôpital en charge de la coordination, une jeune secrétaire devant l’écran de son ordinateur, deux infirmières et Chantal médecin référente, présente en cas d’ urgence post vaccination.
Chantal Sicard est médecin généraliste à la maison de santé des Ondes. Blouse rose pivoine, pantalon et chaussures montantes assortis, elle va et vient d’un box à l’autre en poussant un petit chariot médical. Pour chacun des «patients», il faut rassurer par des mots simples, de la douceur dans la voix, parfois assorti d’un brin d’humour lorsque la personne assise et partiellement déshabillée se laisse aller au jeu des petits mots pour dissimuler un brin d’inquiétude. S’enchaîne ensuite la prise de la température suivie parfois d’une question «vous ne prenez pas de bétabloquant ?» puis une seconde, comme un rituel imposé «épaule droite ou épaule gauche ?»…et rapidement l’aiguille de s’enfoncer dans la peau fripée. Cela ne dure que l’instant d’un battement de cil, le vaccin est déjà inoculé. Chantal la toubib explique «nous avons des aiguilles serties avec un piston donc on ne perd rien».
Entre deux injections, elle rejoint Aurélie, une jeune infirmière libérale, elle aussi en mission pour une rotation de deux heures. Ficelée dans sa blouse blanche, le flacon de vaccin dans la main gauche, la seringue dans la main droite, elle ne tremble pas pour dire « ma motivation, c’est de participer à la lutte contre ce virus qui nous empoisonne dans le travail comme dans la vie».
Derrière le bar, un petit pool secrétariat est installé, Olga infirmière à l’hôpital en médecine générale mène la danse avec énergie et bonne humeur. Le centre a trouvé son rythme de croisière, une réelle émulation est née sur le bassin de Millau au sein du corps médical, même les médecins retraités ont répondu présent. Pour Olga, la mission première est de rassurer, elle témoigne «si vous restez à dix mètres, bien sûr que vous n’allez pas établir une relation de confiance».
Avoir confiance dans ce vaccin, avoir confiance dans la médecine en général, tel est un bien l’un des grands enjeux de cette vaccination d’urgence qui n’a pas encore trouvé son vrai rythme pour rassurer la population et faire baisser les taux d’incidence. Entre deux seringues injectées, Chantal Sicard prend le temps de commenter «la vaccination, mais elle a toujours été décriée. Même le premier vaccin mis au point par Pasteur, ce fut l’église qui le condamna. Donc ce n’est pas nouveau, je me souviens également du vaccin contre l’hépatite B, ce devait être en 1984. Certains prétendaient qu’il donnait le sida (plus précisément en 1982). A placer également au rang des grandes controverses, la vaccination contre la poliomyélite introduite en France en 1958 puis rendue obligatoire en 1964, une maladie qui dans les années 50 fait des ravages, comme ce pic épidémique en 1952 avec 60 000 cas recensés aux Etats Unis causant 3000 décès et 21 000 paralysés à vie.
Chantal s’écarte du bar, au loin une petite dame au pas incertain, courbée à l’angle V, une canne pour s’équilibrer, avance à petits pas, elle s’excuse «ah, mais ça c’est ma petite patiente». Elle se précipite pour l’accueillir et la soutenir. Elle rassure la vieille dame «mais oui soyez sans crainte, c’est bien du Pfizer, comme la première fois».
Dans l’un des box, à travers les draps blancs posés pour garantir une certaine intimité, on entend distinctement une infirmière blaguée avec son interlocutrice «alors, vous êtes Madame…?», la vielle dame répond «vous savez ce que j’ai dit à mon mari quand on s’est mariés ? Et bien, je lui ai dit «je vais me marier avec toi car tu as un très joli nom».
Millau, le 2 mars 2021