Nicole PUECH, le combat contre le cancer
Nicole Puech compte parmi les chevilles ouvrières de la lutte contre le cancer en Aveyron. Après avoir été frappée par la maladie, la Millavoise s’est impliquée pour la Ligue contre le Cancer, et depuis sept ans, elle se mobilise pour le projet de la Belle de Millau, qui a réuni plus de 2000 participants en 2019, sa dernière édition. La marche-course programmée le dimanche 24 octobre se prépare activement pour la 7ème année.
. Odile Baudrier : Pour la 7ème année, tu es impliquée dans le projet de la « Belle de Millau », dans le cadre d’Octobre Rose, qui mobilise beaucoup de monde, avec également de nombreuses animations mises en place chaque samedi au cœur de Millau. Cette édition 2021 suscite visiblement beaucoup d’enthousiasme ?
. Nicole Puech : Oui, je suis agréablement surprise de voir l’enthousiasme des gens qui viennent s’inscrire. Depuis deux ans, ça leur manquait.
. C’est aussi la preuve que la vie redevient normale.
. Tout à fait. Et une chose importante aussi est qu’on leur demande s’ils ont le pass sanitaire, et pratiquement tout le monde l’a. Seulement deux personnes ont indiqué qu’elles ne l’avaient pas.
. Tu as commencé à t’impliquer dans ce projet il y a 7 ans, il s’est intégré dans Octobre Rose, une opération nationale qui est montée en charge depuis 4 ou 5 ans. Comment accueilles tu cet enthousiasme ?
. Déjà que je suis très enthousiaste, je suis vraiment ravie. Et je me repète, c’est grâce aux Templiers et à Kévin (Bertrand) qu’on a pu avoir cette belle manifestation. Nous, tous seuls, à Sud Aveyron Cancer, on aurait été incapables de mener cette opération. A l’origine, Sud Aveyron Cancer menait des quines, des ventes aux marchés, recevait des dons. Nous avons environ 250 adhérents, qui ramènent 2500 euros de recettes. Mais grâce à la Belle, nos dons pour la recherche ont beaucoup augmenté.
. Comment avait été créée l’association Sud Aveyron Cancer ?
. Cela fait 14 ans, en 2007, qu’elle a été créée. Suite à ma maladie, un cancer du sein. J’ai été contactée par des gens de la Ligue contre le Cancer de Rodez pour représenter la Ligue sur Millau. Nous avons créé une association distincte, qui fait partie intégrante du Comité Départemental.
. Qu’est ce qui a motivé qu’après cette maladie, tu aies voulu t’impliquer aux côtés des malades, de la recherche. Pourquoi vouloir aller plus loin que la plupart des malades, qui, finalement tournent la page et reprennent leur vie normale ?
. Il se trouve que trois ans après moi, j’ai aussi vécu la maladie d’une personne très proche de ma famille. Ma motivation a été multipliée, je ne peux pas dire par combien ! En plus, c’était une gamine qui avait 16 ans. Je l’ai accompagnée pendant une semaine dans un service en pédiatrie à l’hôpital. J’ai vu tellement d’enfants malades pendant une semaine que c’était impossible, une fois revenue à Millau, de m’arrêter là, de ne pas continuer cette aventure.
. Cela t’a donné une motivation supérieure
. Oui, quand on l’a vécu vraiment, c’est vraiment différent que de simplement cotoyer les malades.
. Le cancer marque aussi souvent un changement radical de la vie, un stop aux projets.
. Moi, j’avais 64 ans, je ne travaillais plus, je n’avais plus de projets de travail. Mais une gamine de 16 ans, ça change tout. Au point de vue projet scolaire, la personne est déboussolée. Elle est désemparée et se cherche pendant un moment.
. Tu as voulu t’impliquer dans cette lutte qui oblige à beaucoup de contacts avec des malades. N’est-ce pas parfois difficile d’être constamment plongée dans la maladie ?
. Non, pas du tout. Parce que je l’ai tellement vécu. Quand on l’a vécu, on ne peut pas ne pas s’intéresser aux autres.
. Pourtant beaucoup d’anciens malades ne s’y intéressent pas.
. Oui. C’est vrai aussi que certains ont envie d’en parler et d’autres non. On respecte.
. Tu es souvent une bouée de secours pour les malades ?
. Oui, beaucoup de téléphone. Beaucoup de rencontres. Mais c’est très intéressant et enrichissant.
. On recherche tes conseils ?
. Des conseils, je n’ai pas le droit d’en donner. C’est du domaine du médical. Chacun a sa façon d’être soigné. Moi, ce que j’amène, c’est de la joie, de la gaieté et l’envie de se battre. Toujours positif, jamais négatif.
. Cette aventure t’a aussi amenée à côtoyer des médecins, des chercheurs. Quelles sont les rencontres que tu as pu faire en 14 ans ?
. J’ai été marquée par ce premier samedi de décembre où l’on rencontre à Rodez ces chercheurs d’une simplicité incroyable. Ils sont là pour recevoir leur allocation de recherche, certains ont les larmes aux yeux. Ils sont tellement heureux de recevoir ces allocations. Il faut rappeler que la Ligue est le premier financeur privé de la recherche en France. Et les chercheurs disent bien que s’ils n’avaient pas les aides de la Ligue et des autres associations, ils ne savent pas trop où ils en seraient.
. Ensuite, as-tu eu l’occasion d’avoir des retours sur les études faites grâce à cet argent donné par le Comité de l’Aveyron ?
. Quand ils reviennent, ils nous expliquent ce qu’ils ont fait pendant l’année.
. Parfois, n’y a-t-il pas du découragement de voir qu’il y a beaucoup de chercheurs, de mobilisation, mais que malgré tout, la maladie ne diminue pas, voire augmente. Comment l’appréhendes-tu ?
. La maladie augmente, mais les traitements sont devenus de plus en plus pointus. Beaucoup de cancers se guérissent maintenant. Le cancer du sein, grâce à un dépistage. Un cancer dépisté, cela donne 90% de guérison. Le souci actuellement est le cancer du pancréas, qui guérit difficilement.
Justement, durant les confinements et cette crise du COVID, la prévention a beaucoup souffert.
Oui, le président de la Ligue a écrit à tous les adhérents, pour informer qu’il y avait de gros soucis. Et qu’il y a aussi des médicaments qui ont manqué. La Ligue s’en préoccupe.
Avant de t’engager dans Sud Aveyron Cancer, tu étais une commerçante à Millau. Avais-tu déjà eu des engagements associatifs ?
Je m’occupe depuis de très longues années de l’association des Amis de l’Hôpital. Je suis trésorière depuis une douzaine d’années. L’association intervient financièrement ou physiquement dans les maisons de retraite, pour des animations auprès des pensionnaires, chorale, quines, peinture… Mais cela fait deux ans que c’est un peu à l’arrêt.
Comment t’es-tu intéressée à cette association ?
Je ne peux pas rester sans rien faire. Il me faut le contact avec les gens. Quand je me suis arrêtée de travailler, il fallait que je trouve quelque chose à faire. Je dois dire aussi puisqu’on parle de l’hôpital, que l’association Sud Aveyron Cancer paie une esthéticienne pour épauler les malades du service oncologie. Cela fonctionne très bien. La semaine dernière, elle a reçu 22 personnes. Et la Ligue paie aussi une sophrologue pour aider aux soins, que la perfusion se passe mieux.
Toi-même, tu as bénéficié de soins de ce type ?
Oui, j’ai été opérée à Montpellier, et j’ai effectué mon protocole de soins à Rodez, où j’ai pu bénéficier d’une sophrologue. De tels soins sont importants pour les malades. La perfusion passe mieux quand on s’occupe d’eux. Et l’esthéticienne apporte du confort.
Tout le mois d’octobre, on te retrouve au Chalet de la Belle de Millau tous les après-midis pour recevoir les inscriptions. Est-ce de bons moments ? Oui, on voit plein de gens différents. Des malades, d’anciens malades. Un monsieur âgé du quartier vient souvent bavarder. Il y a aussi des animations tous les samedis, des majorettes, un danseur brésilien… C’est enthousiasmant de voir tous ces jeunes s’impliquer dans cette lutte !
Interview Odile Baudrier
Photos : Gilles Bertrand